Depuis le commencement du tournoi, les sportifs dévoilent leur vie quotidienne ainsi que leurs histoires personnelles les plus intimes. Cela leur permet de rendre leur image moins intimidante et de se rapprocher du grand public.
L’ascension fulgurante de « Muffin Man » sur les réseaux sociaux
Henrik Christiansen, nageur norvégien, attire les regards non seulement pour ses performances aquatiques, mais surtout pour sa passion dévorante pour les muffins au chocolat du village olympique. Cette fascination a gagné une telle popularité qu’il est désormais surnommé « Muffin Man », y compris sur des plateformes comme Wikipédia. Sur TikTok, cette obsession est devenue virale, où de nombreux athlètes partagent cette anecdote en la faisant devenir une véritable tendance. À cela s’ajoute une série de vidéos humoristiques mettant en scène divers objets du village olympique, comme les lits. Le Sud-Africain Vincent Leygonie, par exemple, s’est amusé à tester la solidité des matelas en roulant dessus avec un BMX.
Depuis le coup d’envoi des Jeux de Paris, les athlètes se sont engouffrés dans l’ère numérique, documentant leur vie quotidienne au village olympique sur des plateformes comme TikTok et Instagram. Les vidéos révèlent une facette humaine des sportifs de haut niveau, loin des prouesses athlétiques vues à la télévision. Nathalie Nadaud-Albertini, sociologue des médias, observe : « La télévision montre l’athlète en tant que corps qui accomplit une performance, les réseaux sociaux permettent d’accéder au sportif en tant que personne à part entière ».
Des scènes d’intimité partagées
Nombreux sont les athlètes à partager des moments plus intimes de leur quotidien. Daria Saville, joueuse de tennis australienne, poste régulièrement des vidéos où elle se filme dans divers lieux du village, que ce soit chez le coiffeur, à la laverie, ou encore à l’accueil de sa résidence à la recherche de papier toilette. « Est-ce que je peux avoir trois rouleaux ? » demande-t-elle dans l’une de ses vidéos. La boulangerie du village est également un lieu très prisé et souvent filmé, tout comme la cantine, qui suscite des avis mitigés. L’escrimeur italien Alessio Foconi, par exemple, s’indigne des portions servies, criant : « Les raviolis, je ne peux en prendre que trois, donc c’est une belle torture ! ».
Depuis le début des Jeux, Nathalie Nadaud-Albertini note que les athlètes adoptent un ton festif et humoristique, déconstruisant ainsi l’image du sportif strictement concentré sur ses objectifs. « Mais les JO, en fait, c’est un grand camp de vacances pour des jeunes adultes, » commente un internaute sous une vidéo de la judoka française Romane Dicko, jouant au uno avec des Canadiens.
D’autres moments marquants montrent des athlètes unis, comme cette scène où un volontaire joue du piano, accompagné de sportifs jamaïcains et australiens, évoquant la camaraderie d’une émission de téléréalité comme « Star Academy ».
Toutefois, la narration de la vie au village olympique par les athlètes eux-mêmes intègre-t-elle les codes de la téléréalité ? Pour Valérie Rey-Robert, essayiste féministe, les interactions quotidiennes filmées, jusque dans les moindres détails, rappellent effectivement ce genre télévisuel. Les athlètes se confient sur leur état d’esprit et les défis de la vie commune, des moments qui rappellent les interviews en confessionnal des émissions comme « Secret Story ».
Néanmoins, la sociologue souligne deux différences majeures : les athlètes contrôlent ce qu’ils partagent, contrairement à une surveillance continue, et il est peu probable qu’ils partagent des querelles personnelles, alors que les disputes sont au cœur de la téléréalité.
Certains athlètes s’amusent de cette comparaison, comme la joueuse de rugby américaine Ilona Maher, qui se filme avec humour en parodiant les émissions de téléréalité. Sur Instagram, elle plaisante sur sa recherche de l’amour à Saint-Denis, se demandant si le village olympique est différent de « Love Island ».
Une communication maîtrisée
Les internautes semblent apprécier ces partages humains et décalés, comme en témoignent les millions de vues de certaines vidéos. « J’adore voir ce point de vue des Jeux olympiques. Merci pour le partage », écrit un utilisateur. Pour Valérie Rey-Robert, cela permet aux athlètes de se faire connaître et d’attirer de potentiels sponsors. Nathalie Nadaud-Albertini abonde dans ce sens : « Ces vidéos peuvent plaire à ceux qui ne sont, à la base, pas intéressés par les Jeux olympiques. C’est une porte d’entrée qui peut ensuite leur donner envie de regarder les épreuves sportives. »