Depuis 2019, c’est la première fois que les taux baissent, marquant également un tournant depuis le début de la crise inflationniste survenue il y a deux ans. Cette réduction pourrait bénéficier aux emprunteurs individuels ainsi qu’aux entreprises, bien que les répercussions ne se fassent peut-être pas sentir immédiatement.
La BCE Allège Sa Politique Monétaire Après Deux Ans: Quels Impacts Pour les Ménages et les Entreprises?
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une réduction de ses taux d’intérêt directeurs, marquant le premier assouplissement après deux années de durcissement. Jeudi 6 juin, la BCE a révélé que son principal taux d’intérêt, qui établit le coût auquel les banques commerciales peuvent se refinancer, passerait de 4% à 3,75% à partir du 12 juin. Quels seront les effets concrets de cette décision sur les ménages et les entreprises? Examinons les éléments clés.
Des Prêts Immobiliers (Très Légèrement) Allégés
Cette réduction des taux pourrait favoriser une augmentation des crédits immobiliers, accompagnée de taux plus bas. « Le taux immobilier va continuer à s’assouplir », anticipe Stéphanie Villers qui rappelle qu’on avait atteint des sommets: le taux moyen d’un prêt immobilier neuf avait atteint 4,17% (hors assurance) en janvier 2024, le plus élevé depuis près de dix ans, selon la Banque de France. Les données récentes montrent un début de baisse, et « on peut s’attendre d’ici la fin de l’année à une baisse d’un point de pourcentage par rapport au pic récent si le marché se stabilise », ajoute l’économiste.
Cependant, cette diminution pourrait rester limitée, car « les banques sont plus enclines à répercuter une hausse des coûts sur leurs consommateurs plutôt qu’une baisse », analyse Jezabel Couppey-Soubeyran, économiste et maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle souligne qu’il n’existe pas de lien automatique entre les taux directeurs de la BCE et les taux d’intérêt auxquels les banques prêtent, précisant que « les liquidités de la banque centrale sont destinées aux échanges entre elle et les banques, ou entre les banques elles-mêmes ».
Les Livrets d’Épargne Stables (pour l’instant)
La baisse des taux directeurs pourrait également rendre les livrets d’épargne moins rentables. Par exemple, le taux d’intérêt du livret A est déterminé par diverses variables économiques, dont les taux de la BCE, l’inflation et les taux interbancaires, explique le ministère de l’Économie. Toutefois, il est fixé par l’État en dernier recours, et « Bruno Le Maire avait promis qu’il resterait à 3% jusqu’à janvier 2025 », rappelle Stéphanie Villers.
Par conséquent, la diminution des taux directeurs n’aura pas d’effet immédiat sur le livret A ni sur le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS), qui partagent le même taux de 3%. Cependant, ces taux pourraient baisser en 2025 si l’on suit la formule de calcul.
Des Perspectives Optimistes pour l’Investissement des Entreprises
Avec des marges de manœuvre accrues, les banques seront en mesure d’octroyer plus facilement des crédits aux entreprises à des conditions améliorées, facilitant ainsi leurs opérations de refinancement et d’investissement. « Cette baisse de taux est un signal positif pour les entreprises, qui étaient dans une période d’attentisme », analyse Stéphanie Villers.
Selon elle, « elles avaient souffert de la faiblesse de la consommation l’année dernière et depuis le début de l’année, on constate que les ménages dépensent plus. Si les taux s’assouplissent aussi, c’est une excellente nouvelle pour l’investissement. » L’effet principal de cette mesure pourrait être psychologique.
Les banques centrales scrutent attentivement les anticipations économiques et cherchent à les influencer. Jezabel Couppey-Soubeyran explique que même une faible baisse des taux directeurs peut encourager les acteurs économiques à emprunter et investir davantage, anticipant une économie plus dynamique.
Les Placements Risqués (Très Légèrement) Plus Rentables
Pour les investisseurs, une réduction des taux directeurs favorise généralement une augmentation du prix des actifs, qu’il s’agisse de l’immobilier ou des actions. « Quand le coût de l’argent baisse, il est plus facile de s’endetter pour investir dans l’économie réelle, mais aussi pour acheter des titres dans une optique spéculative », explique Jezabel Couppey-Soubeyran, ajoutant que « plus la demande de titres est élevée, plus leur prix augmente. »
Cependant, « les marchés anticipent déjà en grande partie une baisse des taux de la BCE dans leurs décisions de prix », estime Stéphanie Villers. Par conséquent, la confirmation ne bouleversera pas radicalement les choses.
Des Effets Dépendants d’Autres Décisions
« Cette baisse, à elle seule, n’aura pas d’effet majeur pour les entreprises ou les ménages, » estime Stéphanie Villers, en raison de son ampleur limitée. L’assouplissement sera très progressif, avec une réduction initiale de seulement 0,25 point. Et si le mouvement se poursuit, ce sera au long terme. La BCE confirme qu’elle adoptera une approche basée sur les données, réunion par réunion, pour calibrer l’orientation restrictive de sa politique.
Cette progressivité vise notamment à éviter une reprise de l’inflation, qui, à 2,2% en mai, reste au-dessus de l’objectif de 2% de la BCE. Une baisse des taux pourrait stimuler la croissance mais aussi entraîner une hausse des prix en facilitant les prêts et les dépenses. Ainsi, la BCE maintient une position prudente.
En outre, les marchés suivent également de près les décisions de la Fed, la Banque centrale américaine. Stéphanie Villers rappelle que « la Fed a laissé entendre qu’elle n’envisageait pas de baisse de ses taux avant l’automne », ce qui signifie que le contexte mondial restera incertain pendant encore quelques mois avant de voir des effets plus visibles sur les crédits, les investissements ou les placements.